par Stéphane CUTTAÏA
Dans le Rapport de la mission coworking , le dirigeant d’entreprise Patrick Levy-Waitz définit les tiers-lieux comme des “espaces physiques ou virtuels de rencontres entre personnes n’ayant pas forcément vocation à se croiser”.
Que penser de cette définition ? Si l’on se réfère à des travaux sur la curiosité épistomique, et notamment à ceux de l’éducateur George Loewestein (1), on pourrait aboutir à une définition qui serait à l’exact opposé de celle-ci.
Les personnes qui franchissent la porte de ce type de structure et vont naturellement à la rencontre d’autrui sont généralement celles qui disposent de cette faculté qu’on peut appeler en français la curiosité d’esprit. Elles sont, selon Loewestein, avides de compréhension, de nouveaux horizons, de nouvelles connaissances et même d’imprévu. Ces personnes ont ainsi vocation à rencontrer dans leur vie toutes sortes de gens et d’univers différents. Autrement dit, elles ne croiseraient pas d’autres personnes dans un tiers-lieu, elles les croiseraient ailleurs.
Les personnes qui n’ont pas ou peu l’occasion de croiser des personnes qui n’appartiennent pas à leur entourage proche sont celles qui, hélas pour elles et l’ensemble de la société, ne disposent pas ou plus de la curiosité naturelle ou culturelle suffisante pour aller vers ce qui leur est étranger. Cette propension se développe et se nourrit d’ailleurs à l’époque actuelle dans le monde virtuel avec le phénomène des bulles de filtre qui cloisonne les communautés numériques, et les communautés tout court. Les personnes étant amenées, non pas à confronter, questionner ou enrichir leur vision du monde, mais à la conforter. Ce sont précisément les personnes qui appartiennent à cette catégorie de la population qu’on croise rarement dans un tiers-lieu.
Stéph…
(1) George Loewestein – The psychology of curiosity: A review and reinterpretation- 1994
