Un mouvement de fond qu'on ne pourra pas stopper (Frédéric Héran )

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par Stéphane CUTTAÏA

Frédéric Héran, économiste des transports

15 octobre 2022, café culturel C’est déjà ça, Mouroux

  • Comment expliquez-vous ce retour du vélo dans nos villes ?

C’est un phénomène mondial qui touche tous les pays occidentaux et les grandes villes avec des zones denses aux Etats-Unis, en Australie, au Japon, en Europe. Le développement du vélo a toujours les mêmes raisons. La voiture entraîne des problèmes de toutes sortes. Il y a un phénomène de congestion. Elle est inadaptée aux villes denses et elle consomme un espace énorme. La voiture provoque des accidents, du bruit, de la pollution… Il y a une demande légitime des citoyens pour trouver une solution à travers un schéma de transports publics, mais cela coûte cher. Or, le vélo est une solution moins onéreuse mais il ne faut pas se contenter de réduire le trafic automobile. On a surtout besoin d’une ville calmée où les voitures roulent moins vite. Nous sommes sur une progression du vélo de + 10 % par an. C’est très rapide, cela signifie qu’on double l’usage tous les 6-7 ans y compris dans des villes improbables comme Chicago, New York, Washington. Ce mouvement a d’abord démarré en Europe, aux Pays-Bas et en Italie avant de gagner les autres pays. Ce n’est pas qu’un phénomène nordique.

  • En France, quelles sont les villes à la pointe ?

Je citerai Strasbourg, La Rochelle, Grenoble. Cela dépend bien sûr de la géographie locale. À Grenoble, même s’il y a la montagne, la ville est plate. Davantage que Marseille où c’est plus compliqué. Ensuite, il y a le politique. A Grenoble, le maire Eric Piolle se rend à la mairie à vélo : ça aide. Et puis, il y a les acteurs locaux comme les associations de cyclistes urbains. A Strasbourg, elles ont joué un rôle important dans les années 80. À Toulouse, il y a une association dynamique mais la mairie est moins active.

  • Comment poursuivre ce développement ?

Tout mode de déplacement est un système. Il ne suffit pas de faire des aménagements cyclables. Il faut une ville calmée, des ateliers de réparation, des autorités qui encouragent la pratique du vélo, des systèmes de libres-services. C’est tout un ensemble qu’il faut faire avancer en même temps.

Mais il y a un mouvement de fond qui est enclenché et qu’on ne pourra pas stopper ni accélérer trop vite. Quand le gouvernement dit qu’on va tripler la part du vélo en six ans, c’est impossible. Cela voudrait dire + 20 % par an. En revanche, doubler en six ans est possible.

  • Quel est le profil du cycliste urbain ?

Au départ, on disait que c’était une affaire de bobos mais on ne peut plus dire ça. En Seine-Saint-Denis, il n’y a pas beaucoup de bobos et pourtant les ateliers d’auto-réparation marchent du tonnerre. Aujourd’hui, chaque milieu social s’approprie le vélo à sa façon. Les classes populaires choisissent plutôt les vélos d’occasion, les plus riches des vélos «fashion», très mode, très chers qui peuvent aller bien au-delà des 5 000 €. Quand on encourage un mode de déplacement, cela se fait obligatoirement au détriment d’un autre mode de déplacement. Dans le cas du vélo, ce n’est pas l’automobiliste qui se met à la bicyclette en premier. C’est d’abord le piéton, puis l’usager du transport public et enfin l’automobiliste.

Le retour de la bicyclette, La Découverte, 256 pages, 10 euros.

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Allée Jean-Marc Fresc
77120
Mouroux

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